Martha Friendly, Carolyn Ferns, Bethany Grady et Laurel Rothman
Childcare Resource and Research Unit
Septembre 2016
« Il n’y a aucune raison pour que les enfants des quartiers urbains défavorisés ou des régions rurales ne bénéficient pas des mêmes perspectives d’avenir ou d’une éducation de même qualité que les enfants des banlieues ou des quartiers riches. Si nous avons vraiment à cœur de donner à l’ensemble des citoyennes et citoyens la chance de rechercher le bonheur et de poursuivre leurs objectifs, alors nous ne pouvons pas continuer de marginaliser de larges pans de la population. »
— Al Sharpton, militant américain controversé luttant pour les droits civiques
Depuis près d’une centaine d’année, la majorité de la population canadienne vit en milieu urbain ou suburbain. Mais bien que la population rurale soit maintenant relativement petite (6,3 millions), bon nombre de jeunes familles vivant en milieu rural ont besoin de services d’éducation et de garde à la petite enfance abordables et de qualité. Il a été bien établi que de nombreux parents vivant dans des collectivités rurales veulent des services de garde et en ont besoin, au même titre que les parents qui vivent en ville ou en banlieue. Or, en 2016, l’accès à des services de garde de qualité est encore principalement une question de chance pour la majorité des familles canadiennes, peu importe leur lieu de résidence. Pour les familles en milieu rural, les possibilités en matière de services de garde sont encore plus limitées. Cette situation est en grande partie attribuable au modèle de garde d’enfants axé sur le marché qui est en vigueur au Canada. Conformément à ce modèle, les services de garde ne font pas en général l’objet d’une planification, ils sont financés principalement par les frais payés par les parents et leur prestation est presque entièrement assurée par des entreprises privées à but lucratif ou non lucratif. Un tel modèle est particulièrement inapte à répondre aux besoins des parents dans les régions rurales ou éloignées et dans les collectivités du Nord.
Deux facteurs propres aux régions rurales contribuent aux difficultés des familles rurales à trouver des services de garde répondant à leurs besoins : la faible densité de population et la prévalence des horaires de travail atypiques et du travail saisonnier. En région rurale, il faut souvent parcourir de vastes distances pour obtenir des services, ce qui complique l’accès des parents aux services de garde et fait aussi en sorte qu’il est plus difficile aux fournisseurs de services de survivre sur le plan financier. En effet, non seulement ces derniers servent-ils des populations aux horaires différents et aux besoins qui varient selon les saisons, mais ces populations sont aussi dispersées sur un vaste territoire. De plus, il est beaucoup plus difficile de trouver et de garder du personnel de garde qualifié (un problème urgent dans le domaine de la garde d’enfants au Canada en général) dans les régions rurales ou éloignées et dans les collectivités du Nord en raison des pressions financières qui maintiennent les salaires à la baisse et limitent les options de carrière. Mis ensemble, ces facteurs créent une situation intenable pour les fournisseurs de services de garde qui essaient de répondre aux besoins des enfants et des familles des régions rurales ou éloignées et des collectivités du Nord. Par conséquent, la majorité des collectivités rurales ont peu d’options en matière de services de garde réglementés. Une combinaison de toutes ces caractéristiques, jumelée à des questions propres aux régions rurales touchant la sécurité des enfants, s’ajoute aux préoccupations relatives au manque de services de garde en milieu rural qui perdurent depuis une trentaine d’années.
À l’heure actuelle, il n’existe aucune compilation de renseignements à jour qui soit en mesure d’informer les parents, les fournisseurs de services et les décideurs. Le présent rapport, destiné à un large éventail d’intervenants, vise à fournir un aperçu de la situation actuelle de la garde d’enfants en milieu rural et à stimuler et à alimenter la discussion sur l’amélioration de la situation. Le rapport présente tout d’abord les données démographiques actuelles sur les familles vivant en milieu rural et sur les défis qu’elles doivent relever. Il présente ensuite des renseignements à jour pour mettre en lumière ce qu’on connaît au sujet des services de garde dans les régions rurales du Canada aujourd’hui. Ces renseignements comprennent notamment : un examen de la recherche effectuée sur la question, des descriptions et des analyses de la garde d’enfants en milieu rural pour mettre l’accent sur les obstacles que doivent surmonter les familles et les programmes de garde d’enfants aujourd’hui dans les régions rurales. Le rapport passe ensuite en revue les démarches et les initiatives provinciales et territoriales concernant la garde d’enfants en milieu rural, puis présente plusieurs études de cas descriptives de programmes de garde en milieu rural qui ont été couronnés de succès dans différentes régions du pays, ainsi qu’un bref résumé de la situation des services de garde en milieu rural à l’étranger. Le présent rapport se termine par une discussion sur les possibilités, et présente des recommandations destinées aux différents paliers de gouvernement et aux intervenants communautaires.
Selon l’examen de la recherche, la revue provinciale et territoriale et les études de cas effectués dans le cadre du présent rapport, la situation relative à la garde d’enfant en milieu rural au Canada n’a pratiquement pas changé depuis que la question a été examinée pour la première fois dans les années 1980. Notamment, l’information confirme que le développement et le maintien de services de garde en milieu rural continuent d’être limités par les mêmes problèmes relatifs à la structure et au financement et par la même démarche axée sur le marché. Parce que la mise sur pied et le maintien des services de garde dépendent du secteur privé, il continue de manquer de places en garderie en général, mais plus particulièrement à l’intention des populations plus difficiles à desservir, comme celles des collectivités rurales.
En raison des aspects propres aux collectivités rurales sur le plan des installations physiques, de la géographie et de l’emploi, l’exploitation d’un service de garde y est généralement encore plus difficile sur le plan financier que dans les collectivités urbaines et suburbaines. Le financement public limité et la forte dépendance à l’égard des frais payés par les parents font en sorte qu’il est très difficile de mettre sur pied et de maintenir des services de garde en milieu rural, tout en veillant à ce qu’ils soient abordables pour les parents, et de haute qualité pour les enfants.
Les études publiées à ce sujet cernent les raisons pourquoi les familles rurales veulent des services de garde et en ont besoin : dans les collectivités rurales, de nombreuses mères de jeunes enfants occupent un emploi; les familles rurales veulent offrir à leurs jeunes enfants des expériences éducatives et des occasions de socialisation; et les parents qui élèvent leurs enfants dans le contexte d’une exploitation agricole familiale se préoccupent de la sécurité de leurs jeunes enfants qui font face à des dangers propres à ce « milieu de travail » (équipement agricole, animaux, produits chimiques). À grande échelle, la prestation de services de garde est considérée comme un élément clé du développement économique rural efficace en Amérique du Nord et au sein de l’Union européenne.
Les études publiées au Canada et les études de cas effectuées dans le cadre du présent projet cernent les principaux facteurs qui font obstacle aux fournisseurs de services de garde en milieu rural et les facteurs qui contribuent à leur succès. Outre la démarche globale déficiente du Canada en matière de services d’éducation et de garde à la petite enfance, d’autres aspects propres aux régions rurales contribuent à faire obstacle à la prestation de services de garde abordables sur une base continue : difficulté de trouver et de garder du personnel de garde qualifié; absence d’installations appropriées, combinée à un financement très limité; faible taux d’inscription (parce que les services ne sont pas abordables, et non pas en raison d’un manque de besoins); fluctuation du taux d’inscription; et financement de base insuffisant. Les études en question notent à maintes reprises l’importance d’accroître le financement public et la nécessité que l’administration des services de garde soit prise en charge par une organisation bénéficiant d’une masse critique suffisante. Elles soulignent aussi que le leadership est un facteur clé à cet égard, c’est-à-dire qu’un engagement important est requis de la part des personnes et des organisations concernées pour trouver continuellement de nouvelles façons de répondre aux besoins de leur collectivité et de veiller à ce que le programme poursuive ses activités.
En fonction des preuves observées, le présent rapport conclue que ce dont le Canada a besoin est une vaste stratégie en matière de garde d’enfants qui appuie les démarches flexibles nécessaires pour veiller à ce que les familles en milieu rural aient les options en matière de garde d’enfants qu’elles souhaitent et dont elles ont besoin. Bien que le rapport reconnaisse la valeur du financement spécialisé et de la flexibilité qui peuvent jouer un rôle dans la mise sur pied et le maintien de services de garde en milieu rural, il est très clair que même les démarches ciblées doivent être soutenues au moyen d’une démarche systémique en matière d’éducation et de garde à la petite enfance, c’est-à-dire au moyen d’un programme universel d’éducation et de garde à l’enfance de première qualité financé et géré par l’État, visant à répondre aux besoins de l’ensemble des familles et des enfants. Une démarche systémique en ce qui concerne la planification, le développement et le maintien de services de qualité abordables au moyen d’un financement fiable et adéquat aurait une profonde incidence sur l’accessibilité et le caractère abordable des services de garde pour les parents qui vivent ou travaillent (ou les deux) dans des collectivités rurales partout au Canada.
Cette année, grâce aux résultats des élections fédérales de 2015, les possibilités pour le secteur de la garde d’enfants au Canda sont de nouveau renouvelées. Dans cet environnement, le sort de la garde d’enfants en milieu rural sera fonction de l’architecture mise en place par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux au moment d’élaborer le « cadre national » promis par les libéraux, qui forment maintenant le gouvernement du Canada. Comme le démontrent les preuves présentées dans le présent rapport, les familles vivant en milieu rural — comme d’autres familles canadiennes – bénéficieront davantage d’un programme de garde planifié et financé par l’État, fondé sur des preuves et suffisamment flexible pour répondre aux besoins de toutes les familles.
À l’intention du gouvernement fédéral
*La communauté canadienne des services d’éducation et de garde à la petite enfance a présenté aux élus provinciaux et territoriaux un cadre commun pour la mise sur pied d’un programme universel d’éducation et de garde à la petite enfance.
À l’intention des gouvernements provinciaux et territoriaux
Chaque province et territoire devrait adopter un plan pour répondre aux besoins des collectivités rurales en matière de services d’éducation et de garde à la petite enfance. Un tel plan devrait notamment comprendre les éléments suivants :
À l’intention du Syndicat
À l’intention des parents vivant en milieu rural
À l’intention des spécialistes des droits de la personne